Le secret de l'auberge rouge by Gerald Messadié

Le secret de l'auberge rouge by Gerald Messadié

Auteur:Gerald Messadié [Messadié, Gerald]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai
ISBN: 9782809812220
Éditeur: L'Archipel
Publié: 2007-11-20T23:00:00+00:00


9

LE DOUBLE MYTHE DE PEYREBEILLE

Est-il plausible que toute une région se soit mise en tête d’éliminer les Martin à l’aide de faux témoignages ? Un tel complot collectif est-il possible ?

C’est pourtant l’évidence. Mis à part les témoignages secondaires, histoires de querelles paysannes, de ferblantier graveleux, de cheval non vendu et autres pitreries, dont je crois avoir assez démontré l’inconsistance malveillante, les deux témoignages principaux, ceux de Chaze et de Pagès, s’effondrent à l’analyse.

La preuve de la haine collective de la région éclate le 28 octobre, deux jours après la découverte du corps d’Enjolras et trois avant l’arrestation des Martin : Augustin Doulec rencontre Pierre Martin à Chamblasères et ce dernier lui demande ce qu’on dit de la mort d’Enjolras : « On vous accuse de l’avoir assassiné », répond Doulec (A/6/3). Rappelons-nous, l’autopsie n’a pas encore été faite, l’enquête n’a même pas commencé, mais tout le monde a déjà conclu que c’est un meurtre et que l’auteur ne peut en être que Martin.

Et quand celui-ci objecte maladroitement – car il sait évidemment la réputation de malfaiteur qu’on lui fait – qu’Enjolras portait son argent sur lui, Doulec est alors persuadé que Martin est bien l’assassin. Si ce n’était lui, comment saurait-il cela ? Pas un moment ne lui vient l’idée que Martin a pu en être informé par la gendarmerie, avec laquelle son amitié est si célèbre qu’on en a fait des chansons.

D’Aubenas à Privas, de Saint-Symphorien à Montpezat, tout un fonds de racontars avait pris la consistance d’un mythe toxique auquel chacun ajoutait sa pincée de poison.

Les rumeurs s’emballèrent : pas un nom précis de voyageur disparu ne put être cité par l’accusation et l’instruction, les dates et circonstances sont vagues, « il y a dix-huit à vingt ans », mais c’était sûr, les Martin et leur « nègre » assassinaient les voyageurs pour les détrousser.

Ils faisaient boire à leurs victimes du plomb fondu : ridicule fadaise issue de cervelles primitives.

Ils les ébouillantaient : on a vu l’idée que les « témoins » se faisaient de l’ébouillantement, pratiqué avec une cuiller d’eau chaude !

Ils incinéraient les cadavres dans le four de la cuisine. Pas le début d’une preuve. Et dans ce cas, pourquoi se promenaient-ils toutes les nuits sur les routes avec des cadavres ? Et où s’en défaisaient-ils ?

Les Martin étaient des voleurs. Mais alors pourquoi des gens riches témoignèrent-ils en leur faveur ?

Au mythe de l’auberge, lieu fatal, dépeint au début de ces pages, s’était agrégé celui des ogres de Peyrebeille.

Les horreurs que la province avait vécues depuis la Révolution, massacres, tortures, exécutions d’innocents, y avaient laissé des cicatrices psychiques trop profondes pour être effacées par le calme relatif du règne louis-philippard. La violence barbare qui s’était déchaînée dans tout le pays est décrite plus bas, et les raisons pour lesquelles les Martin en vinrent à cristalliser la terreur des populations de l’Ardèche y sont définies.

La nuit venue, les fantasmes sanguinaires hantaient les esprits. Un voyageur solitaire passait-il en hâte dans la rue ? C’était un assassin en fuite.



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